La semaine dernière, il a quitté la Belgique, où il vit comme un invité indésirable depuis qu'il a mené une tentative ratée de sécession de l'Espagne il y a sept ans, et s'est fait ramener clandestinement à Barcelone, la capitale de la région de Catalogne.

Il a choisi ce moment parce qu'un nouveau gouvernement régional de coalition, comprenant l'un des partis nationalistes catalans, arrivait au pouvoir. Aux yeux des séparatistes purs et durs, ils étaient des traîtres, et le devoir de Puigdemont, tel qu'il le concevait, était de se moquer d'eux et de les humilier.

Son plan consistait à apparaître soudainement à Barcelone le jour où le nouveau gouvernement régional prendrait le pouvoir. Des collaborateurs l'ont amené en toute sécurité dans la ville et jeudi dernier, Puigdemont s'est présenté près du bâtiment du parlement régional, entouré d'une quarantaine de personnes portant des masques de Puigdemont.

Il a prononcé un bref discours dénonçant ses divers ennemis politiques, puis a disparu dans la même foule de sosies de Puigdemont, avant de monter dans une voiture et de s'en aller. Vendredi, il était de retour en Belgique.

De l'audace, un timing précis et beaucoup de chance : serait-ce un nouveau Scarlet Pimpernel pour notre époque ? Pour reprendre les paroles de la chanson qui accompagnait la pièce originale du "Scarlet Pimpernel", en changeant seulement le nom de l'ennemi de "Frenchies" à "Spaniards".

Ils le cherchent ici, ils le cherchent là

Ces Espagnols le cherchent partout.

Est-il au paradis ou en enfer ?

Ce maudit et insaisissable Pimpernel !

Oui, mais Puigdemont pourrait-il égaler les exploits du fictif Sir Percy Blakeney, alias le Mouron Rouge ? Sir Percy était un riche habitué des clubs londoniens pendant les premières années de la Révolution française (1792-93), mais il avait une autre vie secrète.

Selon Stan Lee, le co-créateur de Marvel Comics, le Mouron écarlate était le "premier super-héros du monde". Le livre et la pièce de théâtre de la baronne Orczy, qui ont connu un grand succès dans les années 1920, nous ont donné l'image d'un personnage doux et insignifiant dont la famille et les amis ne se doutent pas que son alter ego est un super-héros. Des dizaines d'autres super-héros vêtus de Spandex ont suivi.

Le fictif Pimpernel faisait des allers-retours entre Londres et Paris au plus fort de la Terreur, sauvant à temps des aristocrates français de la guillotine. Il était un maître du déguisement, un brillant bretteur et un champion de la justice. Tout comme Carles Puigdemont, une légende à son époque - ou du moins dans son esprit.

Ce qu'a fait Puigdemont est un coup courageux et intelligent, mais il ne ravivera pas le projet séparatiste dans l'esprit et le cœur de la plupart des habitants de la Catalogne. La moitié hispanophone de la population de la région ne souhaite pas se séparer de l'Espagne, et la moitié catalanophone a perdu la foi en la possibilité d'une telle séparation au cours de cette génération.

Les élections régionales de mai dernier en sont la preuve. Pour la première fois depuis des décennies, les partis indépendantistes n'ont pas obtenu de majorité absolue.

L'inauguration du gouvernement régional qui en a résulté, une coalition entre un grand parti socialiste et un petit parti indépendantiste, a déterminé le moment du geste de défi de Puigdemont. Mais ce n'était qu'un geste : le nouveau gouvernement a été dûment installé au pouvoir plus tard le même jour.

Certains pays doivent continuer à lutter pour leur indépendance jusqu'à ce qu'ils la gagnent, parce que les conditions dans lesquelles ils vivaient étaient intolérables. La plupart des exemples récents, comme le Sud-Soudan, se trouvent en Afrique.

Dans d'autres endroits, plus chanceux, comme l'Écosse, le Québec et la Catalogne, l'indépendance n'est qu'une option. Il n'y a pas d'oppression, les normes démocratiques sont respectées, même la langue n'est pas en danger - et la prospérité est partagée équitablement entre le groupe majoritaire et les minorités.

Des mouvements pro-indépendance apparaîtront encore de temps à autre, car de nombreuses personnes souhaitent donner plus de "sens" à leur vie, et un nombre beaucoup plus restreint de membres bien éduqués de l'élite minoritaire voient plus de pouvoir pour eux-mêmes dans un État indépendant. Comme ils ont tendance à se rassembler dans les médias locaux, ils peuvent persuader beaucoup de gens qu'ils ont besoin de l'indépendance.

Pour reprendre l'expression de l'ancien premier ministre canadien Jean Chrétien (en franglais délibérément déformé), ils veulent "le drapeau sur le capot", c'est-à-dire un grand poste au gouvernement et la limousine qui va avec. Ce commentaire est une injustice pour de nombreuses personnes sincères, mais Chrétien savait de quoi il parlait.

Dans les pays prospères et bien gérés, il s'agit d'enthousiasmes passagers. Un référendum perdu ou bâclé (Écosse 2014, Catalogne 2017) ou deux au maximum (Canada 1980 et 1995), et la génération passe à autre chose.

La génération suivante ne reprend pas le flambeau de ses parents, car ce n'est pas ainsi que fonctionne le renouvellement des générations. La génération suivante le fera peut-être, parce que l'idée semblera à nouveau nouvelle d'ici là. Mais pour l'instant, c'est fini en Catalogne et le monde continuera à tourner vers l'est à la vitesse habituelle.


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Gwynne Dyer is an independent journalist whose articles are published in 45 countries.

Gwynne Dyer